mar. 19 nov. 2024
Le blog de Bernard Keppenne : « Quel sera l’impact de la hausse des tarifs douaniers ? »
Trump n’est pas encore en fonction, que chacun sort sa calculette pour essayer de mesurer l’impact des hausses des tarifs douaniers sur la croissance et l’inflation l’année prochaine.
Premières déclarations
Pour le vice-président de la BCE, Luis de Guindos, il ne fait aucun doute que la hausse des droits de douane pèsera sur la croissance, en déclarant « l’équilibre des macro-risques est passé des préoccupations liées à une inflation élevée à celles liées à la croissance économique. Les perspectives de croissance sont assombries par l’incertitude concernant les politiques économiques et le paysage géopolitique, tant dans la zone euro qu’au niveau mondial. Les tensions commerciales pourraient encore augmenter, ce qui accroîtrait le risque de voir se matérialiser des événements inattendus ».
Le président de la Bundesbank, Joachim Nagel, n’est pas non plus inquiet du risque inflationniste, car il estime « il faudrait que l’intégration mondiale diminue considérablement pour provoquer une hausse notable des pressions inflationnistes ».
Claudia Buch, présidente du Conseil de supervision unique de la BCE, s’est aussi inquiétée des risques sur la croissance en estimant que « les tendances protectionnistes pourraient perturber les chaînes d’approvisionnement mondiales qui sont essentielles aux industries européennes, ce qui aurait un impact négatif sur le potentiel de croissance, la compétitivité et la résistance financière des entreprises ».
Le FMI n’a pas dit autre chose par la voix de Krishna Srinivasan, directeur du FMI pour la région Asie-Pacifique, « les tarifs douaniers de représailles menacent de perturber les perspectives de croissance dans la région, entraînant des chaînes d’approvisionnement plus longues et moins efficaces ».
Les droits de douane pourraient entraver le commerce mondial, freiner la croissance des pays exportateurs et potentiellement augmenter l’inflation aux États-Unis, forçant la FED à resserrer sa politique monétaire, malgré des perspectives de croissance mondiale peu encourageantes.
Avec comme conséquences que l’incertitude entourant la politique monétaire dans les économies avancées pourrait affecter les décisions monétaires en Asie, influençant les flux de capitaux mondiaux, les taux de change et d’autres marchés financiers.
L’impact va clairement dépendre de l’attitude de chacun, avec des mesures de représailles ou pas, de quelle ampleur, sur quels produits ? À ce stade les questions sont nombreuses et les impacts encore impossible à chiffrer. Mais il y a une certitude, les Européens doivent parler d’une seule voix et s’ils se bousculent à Washington pour négocier individuellement nous serons clairement les grands perdants.
Tensions sur l’énergie
Pour corser le tout, le pétrole et le gaz sont repartis à la hausse après que les États-Unis ont annoncé qu’ils autorisaient l’Ukraine à utiliser les missiles à longue portée.
Cette annonce a provoqué une réaction de la Russie qui a menacé d’un risque d’embrasement, alors que dimanche, elle a mené sa plus grande attaque aérienne sur l’Ukraine depuis 3 mois.
Ces éléments, ainsi que des problèmes dans la production dans une installation pétrolière en Norvège, expliquent la remontée du prix du baril.
La hausse du prix du gaz est aussi liée à un conflit qui a entrainé samedi le fait que Gazprom a interrompu les livraisons à la société autrichienne OMV après que cette dernière avait menacé de saisir une partie du gaz de la société d’État russe en guise de compensation pour un arbitrage qu’elle avait gagné sur un différend contractuel.
Mais si OMV a vu ses livraisons interrompues dans un premier temps et réduites par la suite, ce gaz n’est pas perdu pour tout le monde et ces volumes ont trouvé de nouveaux acheteurs ou des intermédiaires en Europe qui sont intervenus pour s’emparer du gaz invendu.
Car malgré la guerre, le gaz russe est toujours vendu en grandes quantités à la Slovaquie et à la Hongrie, ainsi qu’à la République tchèque, ce qui signifie qu’un de ces acteurs a sans doute profité de cette manne.
Ceci explique pourquoi la hausse du prix a encore été limitée. Et pour le prix du baril, la hausse est également limitée, car on reste toujours dans un marché marqué par un excédent d’offre.
Hausse ou pas en décembre ?
Si la baisse des taux de la part de la BCE en décembre semble évidente, légèrement un peu moins pour la FED depuis quelques jours, en revanche, l’attitude de la BOJ est totalement incertaine.
Seule certitude, elle ne va pas évidemment pas baisser ses taux, mais pourrait encore les relever.
Son gouverneur, Kazuo Ueda, a estimé, hier, que l’économie progressait vers une inflation soutenue tirée par les salaires et a mis en garde contre le maintien de coûts d’emprunt trop bas.
Tout en reconnaissant que « il y a de nombreuses incertitudes que nous devons examiner. Mais cela ne signifie pas que nous attendrons qu’elles se dissipent toutes. Nous déciderons de notre politique en fonction des données et des informations disponibles au moment de chaque réunion ».
Mais il n’a pas donné d’indications sur la possibilité d’une hausse des taux en décembre, en déclarant « le moment où nous ajusterons le degré de notre soutien monétaire dépendra des perspectives économiques, financières et de prix ».
Même si le yen n’est pas revenu à son plus bas niveau de l’année par rapport au dollar, sa baisse récente pourrait inciter la BOJ à monter encore ses taux. Mais rien n’est simple car « il est vrai qu’un yen faible fait grimper les coûts et a un impact négatif important sur les consommateurs. Mais il est positif pour les exportations et le tourisme. L’impact global sur l’économie japonaise n’est pas facile à évaluer », a déclaré Ueda.
Source : Bernard Keppenne, Chief Economist - CBC Banque & Assurances