mer. 20 nov. 2024
Après 1 000 jours de guerre entre la Russie et l’Ukraine, le risque géopolitique a fait un retour en force sur les marchés financiers avec les craintes d’une escalade avant l’arrivée de Trump, pour arriver en position de force aux éventuelles négociations.
Tensions sur les marchés
Même si ces tensions ont été contenues, il n’en demeure pas moins que les marchés financiers, hier, ont fait preuve d’une certaine fébrilité et inquiétude.
Cette fébrilité s’est fait ressentir un peu sur le franc suisse et le yen, mais également sur l’or, qui, après une très nette correction après la victoire de Trump, est reparti hier à la hausse.
Le pétrole est resté stable, alors que les bourses européennes se sont repliées après la nouvelle rhétorique de Poutine sur l’utilisation des armes nucléaires.
Approche graduelle
Ces tensions viennent rappeler que pour les Banques centrales l’empressement n’est certainement pas bonne conseillère, et qu’il faut qu’elles adoptent une politique prudente dans la baisse des taux compte tenu des risques inflationnistes qui demeurent.
C’est en tout cas le message qu’on fait passer deux membres de la BoE. D’une part, Alan Taylor, dernier responsable de la fixation des taux d’intérêt de la Banque d’Angleterre, a déclaré que l’approche graduelle de la Banque centrale en matière de réduction des coûts d’emprunt était conforme aux récentes estimations du marché qui prévoyaient environ quatre réductions d’un quart de point d’ici la fin de l’année 2025.
D’autre part, le gouverneur de la BoE, Andrew Bailey, a déclaré « une approche graduelle de la suppression des restrictions de la politique monétaire nous aidera à observer comment cela se passe, ainsi que d’autres risques pour les perspectives d’inflation ».
Cette approche graduelle se justifie, selon lui, par le fait qu’il faut d’abord voir quels seront les impacts des changements fiscaux prévus dans le budget du gouvernement.
En effet, selon son rapport, Bailey relève qu’une augmentation des cotisations de sécurité sociale que les employeurs doivent payer « représente une augmentation du coût de l’emploi », ce qui pourrait entraîner une hausse des prix, une diminution des embauches ou d’autres conséquences.
La publication des chiffres d’inflation en Grande-Bretagne, ce matin, devrait renforcer cette approche prudente. D’un mois à l’autre, l’inflation est attendue en hausse de 0,5 % contre 0 % le mois passé, soit un taux annuel qui passerait de 1,7 % à 2,2 %. Pour l’inflation sous-jacente, la hausse mensuelle serait de 0,3 % contre 0,1 %, soit un taux annuel qui passerait de 3,2 % à 3,1 %.
Cette approche plus prudente, qui signifie que le taux en sterling demeurera plus élevé que le taux en euro, explique pourquoi le sterling demeure assez ferme par rapport à l’euro.
Plus de marge de manœuvre ?
Ou plus de nécessité de baisser les taux de la part de la BCE compte tenu de l’atonie de l’économie ?
Pour Fabio Panetta, gouverneur de la Banque d’Italie, la BCE doit maintenant « se concentrer sur l’atonie de l’économie réelle ». Pour lui, « avec une inflation proche de l’objectif et une demande intérieure stagnante, des conditions monétaires restrictives ne sont plus nécessaires ».
Et avec un taux, qui est actuellement à 3,25 %, « nous sommes probablement encore loin du taux neutre », a déclaré Panetta.
Il a également exhorté la BCE à abandonner sa politique monétaire basée sur une approche « réunion par réunion », estimant que « nous pouvons maintenant revenir à une approche plus traditionnelle et véritablement prospective de la politique monétaire, conformément à notre orientation à moyen terme ».
Il a estimé que cette approche « aidera les entreprises et les ménages à se forger une opinion sur la trajectoire future des taux directeurs, ce qui soutiendra la demande et la reprise de l’économie réelle ».
Après une nouvelle baisse de 0,25 % en décembre, la BCE devrait encore baisser ses taux de 100 points de base sur la première partie de l’année, pour soutenir la croissance.
Et une économie qui aura bien besoin de ces baisses de taux, c’est évidemment l’Allemagne, même si cela ne règlera pas tout, loin de là.
Dans son rapport mensuel, la Bundesbank estime, qu’après une progression inattendue de 0,2 % du PIB au troisième trimestre, l’économie allemande devrait stagner au cours des trois derniers mois de l’année.
Elle constate que « toutes les composantes clés de la demande n’offrent donc actuellement que peu de raisons de croire à une reprise notable à court terme de l’économie allemande » Et d’avertir que « les demandes politiques pour de nouvelles barrières tarifaires posent des risques supplémentaires considérables pour le commerce international ». Inutile de préciser à quoi elle fait référence.
Après une hausse de 8,8 % des salaires au troisième trimestre, la Bundesbank estime que « compte tenu de la faiblesse durable de l’économie et des taux d’inflation nettement inférieurs, il faut s’attendre à ce que les prochaines négociations salariales aboutissent à des accords sensiblement plus bas que ceux des deux dernières années ».
Ce chiffre des hausses de salaire pour le troisième trimestre est attendu aussi aujourd’hui pour la zone euro, et il devrait conforter l’approche graduelle de la BCE dans sa baisse des taux, car encore trop élevé par rapport à son objectif.
Source : Bernard Keppenne, Chief Economist - CBC Banque & Assurances