jeu. 21 nov. 2024
Le blog de Bernard Keppenne : « La politique des petits pas reste de mise »
Clairement, l’inflation n’a pas encore dit son dernier mot, et comme déjà maintes fois évoqué, les derniers kilomètres sont les plus compliqués, que cela soit en zone euro, mais aussi en Grande-Bretagne.
Rebond en Grande-Bretagne
L’inflation a rebondi en Grande-Bretagne, passant de 1,7 % en septembre à 2,3 % en octobre pour l’inflation globale. D’un mois à l’autre, le taux d’inflation a progressé de 0,5 %, soit la plus forte hausse mensuelle depuis octobre 2022.
Et ce n’est pas tout, l’inflation sous-jacente, alors qu’elle était attendue en léger recul, a également progressé en passant de 3,2 % à 3,3 %, en taux annuel. Et pour couronner le tout, l’inflation des services a également augmenté en passant de 4,9 % à 5 %.
Ces chiffres devraient inciter la BoE à la prudence, d’autant plus que le budget du gouvernement devrait entraîner une hausse de l’inflation l’année prochaine.
Le scénario de deux ou trois baisses de taux l’année prochaine semble à ce stade tenir la corde, ce qui explique pourquoi le rendement de l’obligation en sterling à 2 ans reste accroché autour des 4,40 %.
Mauvais nouvelle pour la BCE
La croissance des salaires dans la zone euro au troisième trimestre s’est accélérée pour atteindre 5,42 % contre 3,54 % au deuxième trimestre, en grande partie à cause de la hausse de 8,8 % de ces derniers en Allemagne.
Même si ce chiffre ne remet pas en cause la baisse des taux du mois de décembre, il exclut par contre la possibilité que le mouvement de baisse soit de 0,50 %.
La bonne nouvelle cependant, c’est que le ralentissement de l’inflation devrait entrainer, l’année prochaine, une croissance moindre des salaires.
Le paradoxe qui saute aux yeux, c’est que les annonces de licenciement se multiplient en France, en Belgique, et en Allemagne, mais que dans le même temps, le chômage demeure à un niveau historiquement bas.
Cela pourrait s’expliquer d’une part, parce que ces licenciements touchent quelques secteurs en particulier. Et d’autre part, parce que les entreprises continuent d’embaucher des travailleurs malgré une croissance économique anémique, dans l’espoir de conserver une main-d’œuvre complète tout en misant sur une éventuelle reprise.
Incertitude pour la FED
La situation est encore plus compliquée pour la FED, et cela s’est d’ailleurs exprimé par des vues assez divergentes de la part de deux de ses membres hier.
En tout cas, au fur et à mesure que les jours passent, la probabilité d’une baisse des taux en décembre se réduit comme peau de chagrin et est tombée à 55 % actuellement, alors qu’avant la victoire de Trump elle était totalement intégrée.
Pour Michelle Bowman, membre du Conseil des gouverneurs, « nous avons constaté des progrès considérables dans la réduction de l’inflation depuis le début de l’année 2023, mais ces progrès semblent s’être interrompus au cours des derniers mois… Je préférerais procéder avec prudence en abaissant le taux directeur afin de mieux évaluer la distance qui nous sépare du point final ».
Tout en ne rejetant pas l’idée d’une nouvelle baisse des taux, elle a indiqué qu’elle s’était opposée à la réduction de 0.50% en septembre, et qu’elle préférait des baisses plus modestes. Elle a souligné que la Banque centrale devait se méfier d’une réduction trop importante et trop rapide des taux, qui permettrait à l’inflation de réapparaître.
De son côté, Lisa Cook, membre du conseil d’administration de la FED, s’est montrée plus confiante, en déclarant, « l’ensemble des données suggère qu’une trajectoire désinflationniste est toujours en place et que le marché du travail se refroidit progressivement. À l’avenir, je continue de penser que la trajectoire appropriée des taux directeurs est orientée à la baisse ».
Elle a été suivie par des propos de Susan Collins, gouverneure de la FED de Boston, qui a estimé que « je pense que des ajustements supplémentaires seront probablement nécessaires au fil du temps, afin que le taux directeur quitte progressivement sa position restrictive actuelle pour revenir dans une fourchette plus neutre ». Mais elle s’est bien abstenue de donner la moindre indication sur l’ampleur des ajustements et sur le timing.
Avertissement de la BCE
Alors que les projections de Nvidia ont déçu les investisseurs, car il prévoit la plus faible croissance de son chiffre d’affaires en sept trimestres, et que le Bitcoin frôle les 100.000 dollars, dans sa revue de la stabilité financière, publiée deux fois par an, la BCE averti.
« La croissance économique reste fragile, tandis que les inquiétudes concernant les perspectives du commerce mondial ajoutent à l’incertitude géopolitique et politique. Les valorisations élevées et la concentration des risques rendent les marchés plus sensibles aux corrections soudaines ».
Elle souligne et je continue de la citer « bien que les marchés financiers se soient montrés résistants jusqu’à présent, il n’y a pas lieu de se reposer sur ses lauriers. Les vulnérabilités sous-jacentes rendent les marchés des actions et du crédit aux entreprises susceptibles de connaître une nouvelle volatilité. Les valorisations élevées et la concentration des risques, en particulier sur les marchés des actions, augmentent les risques d’ajustements brutaux ».
La BCE souligne aussi le risque d’augmentation des dettes souveraines, mais pas que pour les États, elle pointe aussi le fait que « les coûts d’emprunt élevés et les faibles perspectives de croissance continuent de peser sur les bilans des entreprises, les sociétés de la zone euro faisant état d’une baisse de leurs bénéfices en raison des paiements d’intérêts élevés ».
Par contre, elle se montre plus confiante concernant la situation des ménages, car ils « bénéficient d’un marché du travail solide et ont renforcé leur résistance en augmentant leur épargne et en réduisant leur endettement ».
Source : Bernard Keppenne, Chief Economist - CBC Banque & Assurances